Le Cabinet de MAITRE VERGNE, Avocat au Barreau de Paris, domicilié au 1 rue de Sfax 75116 Paris, pratique les droits civil, commercial et pénal.
Cet article précise les droits pour les forces de l'ordre d'utiliser leurs armes dans le cas des refus d'obtempérer. Il permet d'éclairer l'actualité puisque le 7 septembre, deux morts sont intervenues à Rennes puis à Nice dans ces conditions, ce qui ne manque pas de relancer ce débat.
Qu'encourt une personne qui refuse d'obtempérer ?
Le refus d’obtempérer est un délit qui survient lorsque vous désobéissez intentionnellement à l’ordre donné par les forces de l’ordre de vous arrêter. Le refus d’obtempérer est réprimé par l’article L 233-1 du Code de la Route.
Ce délit est puni par 3 mois d’emprisonnement, 3 750 euros d’amende et la perte de 6 points sur votre permis, ainsi que par des peines complémentaires. Le refus d’obtempérer est plus lourdement sanctionné lorsqu’il met en danger la vie d’autrui au visa de l’article L 233-1-1 du Code de la Route (5 ans d'emprisonnement, 75 000 euros d'amende, et suspension générale de votre permis de conduire).
Dans la loi qui encadre l'usage des armes, il est stipulé qu'elles ne doivent être utilisées qu'en cas d'absolu nécessité dans certaines situations. Comment peut-on juger de "l'absolu nécessité" ?
L'usage des armes chez les policiers et gendarmes est réglementé par l'article L435-1 du Code de la sécurité intérieure. La loi stipule bien que les militaires et les fonctionnaires peuvent « faire usage de leurs armes en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ».
Cet article soulève des difficultés d’interprétation, notamment dans l’évaluation de la menace réelle; raison pour laquelle une enquête de l’IGPN est systématiquement ouverte lorsqu’un coup de feu est tiré.
La loi mentionne cinq cas précis "d'absolue nécessité "ce qui donne une base de compréhension qui sera ensuite analysée au cas par cas/
D’abord, les forces de l'ordre peuvent faire usage de leur arme « lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique » sont menées ou menacent les agents ou des tiers. On parle alors de légitime défense. L'arme est aussi tolérée:
- pour « empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou de plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre », de façon justifiée .
- « lorsque, après deux sommations faites à haute voix, ils ne peuvent défendre autrement les lieux qu’ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées ».
- après deux sommations si des individus cherchent à fuir et risquent « de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».
- « lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules », qui risqueraient de porter atteinte « à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».
Rappelons bien entendu que l'absolue nécessité est accompagnée du critère de proportionnalité qui fait aussi débat tant en phase d'enquête que dans le prétoire.
Le refus d'obtempérer est au cœur de la polémique : pourquoi est-ce si difficile de qualifier un refus d'obtempérer ?
Ce délit est constitué lorsque :
-la sommation de s’arrêter est claire et non-équivoque
-la sommation de s’arrêter émane d’un agent de police ou de gendarmerie reconnaissable comme tel notamment par son uniforme (insignes extérieurs et apparents)
- il est démontré que vous avez eu la volonté délibérée de désobéir pour échapper au contrôle
La difficulté principale réside en la qualification de l’intention par l’automobiliste de commettre le délit.
En effet, il faut que la personne incriminée ait volontairement refusé de s’arrêter suite aux injonctions des forces de l’ordre.
Or, les personnes poursuivies pour ce type de délit peuvent ne pas avoir vu la présence des policiers, ou bien ne pas avoir eu conscience de faire l’objet d’une sommation de s’arrêter par les forces de l’ordre. Et, cet elément intentionnel est un élément constitutif de l’infraction.
Ce sera donc au juge de déterminer s’il y a eu une intention de refuser d’obtempérer, sur la base du rapport des forces de l’ordre ainsi que des éléments apportés lors de l’audience au Tribunal. Cette phase est importante car la presomption de bonne foi des forces de l'ordre a tendance à incriminer les mis en cause au mépris du principe de la présomption d'innocence.
Les policiers et gendarmes ne peuvent faire usage de leurs armes en cas d'attroupement, même après deux sommations, c'est bien cela ?
Non ; ils peuvent utiliser leurs armes même dans ce cas mais de manière particulièrement encadrée.
L'article R211-11 du Code de la sécurité intérieure répond à cette question de manière précise
Il stipule que pour l'application de l'article L. 211-9 du meme code, l'autorité habilitée à procéder aux sommations avant de disperser un attroupement par la force :
1° Annonce sa présence en énonçant par haut-parleur les mots : " Attention ! Attention ! Vous participez à un attroupement. Obéissance à la loi. Vous devez vous disperser et quitter les lieux " ;
2° Procède à une première sommation en énonçant par haut-parleur les mots : " Première sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux " ;
3° Procède à une deuxième et dernière sommation en énonçant par haut-parleur les mots : " Dernière sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux "
Si l'utilisation du haut-parleur est impossible ou manifestement inopérante, chaque annonce ou sommation peut être remplacée ou complétée par le lancement d'une fusée rouge.
Toutefois, en ultime recours, si, pour disperser l'attroupement par la force, il doit être fait usage des armes mentionnées à l'article R. 211-16, la dernière sommation ou, le cas échéant, le lancement de fusée qui la remplace ou la complète doivent être réitérés
Ces armes prévues par la loi sont les suivantes:
les grenades principalement à effet de souffle et leurs lanceurs entrant dans le champ d'application de l'article R. 311-2 et autorisés par décret.
Les forces de l'ordre peuvent donc faire usage de leurs armes en cas d'attroupement et après 2 sommations mais de manière particulièrement encadrée.
Le code de la sécurité intérieur indique qu'une force de l'ordre peut faire usage de son arme" Lorsqu'ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l'usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport ": quels sont les moyens pour le policier/gendarme de déterminer d'autres moyens que celui de faire usage de son arme ?
Les forces de l'ordre peuvent tout d'abord faire l'usage d'intervention physique au moyen de gestes techniques.
En outre, elles peuvent recourir aux moyens de force intermédiaire (MFI), également dénommés « armes non létales » (ANL), « sublétales », « semi-létales » ou encore « à létalité réduite » qui répondent également à cet objectif. Ils offrent à une solution intermédiaire entre l'efficacité d’une intervention physique au moyen de gestes techniques et le risque de tuer au moyen d’une arme à feu. Ces armes sont définies comme « des équipements spécifiquement conçus et mis au point pour mettre hors de combat ou repousser les personnes, et qui dans les conditions normales prévues pour leur emploi, présentent une faible probabilité de provoquer une issue fatale, des blessures graves ou des lésions permanentes ».
Ces moyens de force intermédiaires sont répartis en quatre catégories: les armes
cinétiques (par exemple les lanceurs de balles de défense, les canons à eau),
chimiques (par ex. les fumigènes, lacrymogènes),
à énergie dirigée (par ex. lasers, pistolets à impulsions électriques),
composites (utilisant des technologies combinées).
L’introduction de ces moyens de force intermédiaire au sein des forces de l’ordre a été rendue nécessaire pour protéger le droit à la vie lors de leurs interventions., droit protégé par l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La Cour européenne des droits de l'homme l'a d'ailleurs rappelé en 1998 en condamnant la Turquie pour défaut d'équipement alternatif : CEDH, Gülec c/Turquie, 27 juill. 1998, req. No 21593, §71, Recueil 1998-IV.
En France, aux matériels usuels en dotation dans les forces de l’ordre, tels que les menottes, bâtons de défense, gaz lacrymogènes (utilisés sous la forme d’aérosols ou de grenades), dispositifs manuels de protection (DMP, également appelés grenades de désencerclement) et armes de poing (Sig Sauer SP 2022), se sont ajoutées entre la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle, de nouvelles armes, telles que le pistolet à impulsions électriques X26 de marque Taser, et deux lanceurs de balles de défense, le Flash-Ball superpro et le LBD 40x46.
Mais ne soyons pas dupes: nous sommes tous sujets à la peur à la colère dans des conditions bien moins extrêmes que celles des forces de l'ordre et pour autant, tout le monde arrive à comprendre ces emportements. Je ne légitime absolument pas un recours compulsif à la gâchette, tout est une question de choix. Pour autant, à mon humble avis, l'évaluation de cette décision est complexe et se mesure parfois en une fraction de seconde. Les neurosciences démontrent l'incidence de nos émotions sur nos croyances, choix et actions et dans un contexte aussi délicat, la prudence est de rigueur avant de crier au loup de présumer d'une culpabilité ou de la déclrarer, car c'est bien là le sujet!
Sur une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, on peut observer qu'à Nice, le véhicule visé (et donc le conducteur) était à l'arrêt quand le policier a tiré : il ne représentait donc pas une menace ? Que risque le policier tireur ?
Tout dépend de la situation: l'enquête déterminera si le tir était justifié eu égard à la nécessité de cette intervention et sa proportionnalité: la vidéo témoigne d'un instant et ne reprend pas le contexte global de sorte que je ne peux apprécier la situation de manière substantielle et donc objective.
Le policier tireur est actuellement poursuivi pour homicide involontaire au visa de l'article 221-6 du Code pénal. Il risque 3 ans de prison, 45 000 euros d'amende au pénal ainsi qu'une sanction disciplinaire. Pour l'instant cette affaire est en cours d'instruction à charge et à décharge. La loi prévoit une présomption d'innocence jusqu'au jugement, ce qu'il me semble important de rappeler.
Cet article ne remplace pas une consultation personnalisée
Le Cabinet de MAITRE VERGNE, Avocat au Barreau de Paris, domicilié au 1 rue de Sfax 75116 Paris, pratique les droits civil, commercial et pénal. Ce professionnel est donc compétent pour vous conseiller en droit pénal et notamment pour Vous pouvez le contacter en cliquer sur la rubrique contact.
Emilie VERGNE
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